Wonz man Sebi

Craps et Sèbi

Le jeu du craps , jeu à 1 joueur très populaire aux Etats-Unis, est une succession de jets simultanés de 2 dés discernables, par exemple de couleurs différentes, non pipés. Il ressemble au jeu du sèbi , lui aussi très populaire en Martinique. il n'en diffère que sur un seul point comme on le verra plus bas.
On considère les jets comme des épreuves indépendantes. A chaque jet on s'intéresse à $S$ la somme des numéros portés sur les faces du dessus.
La règle du jeu est la suivante :

  • le premier jet est particulier :
      • si $S=7 $ ou $11$ le joueur gagne et la partie est terminée.(Dans le sèbi martiniquais, on peut aussi gagner avec $10$ obtenu par $(5,5)$)
      • Si $S=2, 3$ ou $12$ le joueur perd et la partie est terminée.
    •  Si $S=4,5,6,8,9$ ou $10$, la partie n'est pas encore terminée : le joueur reprend les dés et effectue un second jet. Dans ce cas, on note $k \in \{4;5;6;8;9;10\}$ le résultat du premier jet.
      A partir de là, le joueur relance les dés :

        • Si $S=k$ le joueur gagne et la partie est terminée.
        • Si $S=7$ le joueur perd et la partie est terminée.
        • Sinon, il reprend les dés et effectue le jet suivant. L'objectif du joueur est de reproduire la valeur k en essayant d'éviter de réaliser la valeur 7.
      • —Vocabulaire créole associé au jeu du sébi :
        Wonz man sebi
        i
        sèbi
         i kanté
        —Crab : sortie au premier jet du 3 c’est la rénumération du banquier.
        —Ban mwen an doum (refaire le premier jet)
        —Doum crab : sortie du 12 au premier jet
        Ban mwen doum crab mwen : demande du perdant au vainqueur pour refaire une partie
        Douvan, dèyè : D'autres joueurs autres que le lanceur peuvent parier sur le résultat de ses lancers dès le premier jet ou après le premier jet.
      • Moyenne classique d'un lancer d'1 dé :
      • Cas du lancer de 2 dés :
        Espérance mathématique ou moyenne de la somme $S$ :
        $E(S) = E(de_1 + de_2)= E(de_1) + E(de_2) = 3,5 + 3,5 = 7$
        $7$ est aussi la somme la plus probable puisque $Pr(S = 7) = \dfrac{6}{36} = \dfrac{1}{6}$
        Dans le cas du jeu du sébi :
        —$Pr(\text{Gagner au premier jet}) = \dfrac{9}{36} =0,25$
        $Pr(\text{Perdre au premier jet}) =\dfrac{4}{36}= 0,11$
        $Pr(\text{Gagner après le premier jet}) = 0,268$
        $—Pr(\text{Perdre après le premier jet}) = 1 – 0,268 = 0,732$
        —En résumé $Pr(gagner) = 0,25 + 0,268 = 0,518$
      • Différence entre sèbi et craps :
        Le craps est une variante du sèbi où on élimine la possibilité de gagner par 5-5 au premier jet.
        Au craps
        $Pr(\text{Gagner au premier jet}) = \dfrac{8}{36} = 0,22$
        $Pr(\text{Perdre au premier jet}) =\dfrac{4}{36}= 0,11$
        $Pr(\text{Gagner après le premier jet}) = 0,268$
        $—Pr(\text{Perdre après le premier jet}) = 1 – 0,268 = 0,732$
        donc
        $Pr(\text{gagner au craps}) = 0,22 + 0,268 = 0,488$
        En conclusion, Le jeu du sèbi est légèrement favorable au lanceur contrairement au jeu du craps qui lui est légèrement défavorable.

        • Pour retrouver les démonstrations des affirmations précédentes voici un texte élaboré à partir d'un sujet donné en 2005  au Concours des Grandes Ecoles Vétérinaires et Agronomiques : craps
        • Pour les férus de littérature sur le sébi :

          Voici un extrait du roman "Gouverneur des dés" (Editions Folio) de l'écrivain martiniquais Raphaël CONFIANT traduit à partir de son ouvrage initial en créole "Kod Yamm " en collaboration avec Thierry LETANG :
          "Il les fixait tous au beau mitan des yeux. Sa main virevoltait sur le tray, happait les dés d'os, les retournait trente-douze mille fois entre les doigts et les envoyait courir sur le bois. Les nègres scrutaient la valdingue des dés. Intensément. Les regards s'efforçaient d'anticiper le résultat de leur course folle. Les lueurs des torches vacillaient étourdissantes. Soudain, l'homme hurla :
          - Onze, j'ai ! Onze, tonnerre de Dieu !
          Et les dés venaient mourir sur les planches. Aussitôt l'homme virait l'argent des mains des joueurs, chiffonnait les billets de mille francs plus épais qu'hosties de carême, les serrait sous son chapeau-bakoua. Son chien à ses côtés laissait pendre une langue humide et longue comme un jour d'hivernage.
          Surgit un nègre du Marigot.
          Se frappant l'estomac, il annonça :

          - Je suis Chérubin Dorsival ! Combien joue-t-on ici ?
          - Tout ce que tu voudras ! lui répondit le jour , calant sa cigarette entre deux dents.
          Les tables de jeu de la salle du marché de Fond Grand Anse s'arrêtèrent de bruire. Les joueurs abandonnèrent leurs dés pour rejoindre le travail des deux majors. Vingt-cinq mille francs ! Rarement autant tant d'argent avait gonflé les poches des nègres des mornes. Jamais telle somme n'avait été mise au sébi. Seuls les gros békés dans les gallodromes pariaient si fort. dehors, la touffeur de la nuit enserrait le bourg. Les ultimes feux du dernier soir de fête paroissiale n'en finissaient pas de mourir.
          Depuis longtemps déjà les gens-de-bien chevauchaient leurs rêves. A cette heure, seuls des nègres aux moeurs douteuses , gorgés de tafia, harcelaient les dés.
          L'Homme du Marigot secoua longuement les dés, déclara qu'il n'en voulait pas. Un autre joueur d'une autre table lui porta immédiatement les siens.
          Il les prit sans remerciement, leur souffla dessus, les embrassa, leur chuchota quelque prière et dit :

          - Ils sont parfaits, compère, pouvons-nous jouer avec ces graines d'os ?
          - Bien ! répondit l'autre.
          - Mais d'abord, fais sortir ton chien... Il me gêne.
          - Ah bon ! Nous autres , les nègres de Fond Grand-Anse , nous n'avons pas peur des chiens...
          Dehors Kako !
          Ce fut un charivari de dés lancés avec fureur. Les billets s'amoncelaient près du nègre du Marigot.
          Six mille ! Dix mille ! Dix-sept mille francs !
          Rosalien Saint-Victor, le major de la commune, se faisait assurément plumer. Il devenait blême comme une christophine sur sa liane. Des gouttes de sueur perlaient sur son front, s'écrasaient sur les planches.
          Il s'efforçait pourtant de rester impassible, tâchant de comprendre ce qui arrivait, essayant de trouver une échappatoire.

          Quand ce fut à son tour de lancer, il soupesa chaque dé : étaient-ils pipés ? Il les vérifia avec tant de célérité que personne ne vit la manoeuvre, si ce n'est le nègre du Marigot. Mais aucun grain n'était anormalement  lourd.
          - Pas possible que ce bougre me résiste ainsi ! se répétait-il.
          Et avant même qu'il ne trouvât la prière pour accorder le bougre, il ne lui restait plus de quoi miser. Totalement débanqué. Déjà, autour de lui, des voix montaient, pleines de reproches :
          - Alors quoi, Rosalien, tu laisses un nègre étranger venir ici nous dérespecter ?
          Il retrouva l'incantation, la récita. en vain. Il était nu. Les billets avaient déserté son bakoua, aussi vide maintenant qu'une demi-calebasse de manger après le passage d'un agoulou-vorace."
        • Programme en Scratch :
          Il utilise 5 lutins :
          - Le lutin 1 représente le résultat du dé 1 lors du jet initial.
          - Le lutin 2 représente le résultat du dé 2 lors du jet initial.
          - Le lutin 3 représente le chat Scratch qui joue.
          - Le lutin 4 représente le résultat du dé 1 lors de la relance.
          - Le lutin 1 représente le résultat du dé 2 lors de la relance.